Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

vendredi 3 juin 2016

Le jeune garçon brun du train

En face de moi, sur le siège opposé,  le garçon est assis,  posé dans son jeune corps au visage mat et masqué de traits volontaires dont je peux prévoir ce qu'ils deviendront lorsque l'âge adulte l'aura rejoint.  Quelques éléments de beauté le parent : des lèvres roses que surligne un duvet à peine naissant lui donnent encore un air d'enfance ; un nez droit, court, et de
peu d'épaisseur prolonge la convergence de ses arcades sourcilières parées de deux courbes sombres. Le menton est tendu d'une sobre ligne en triangle. La peau lui est mate ainsi qu'un voile brun. Son pantalon est retroussé légèrement, laissant voir des chevilles fines aux pieds dénués de socquettes. chaussés de souliers de sport bleus  Un léger duvet mâle brunit les chevilles,  accordé à la chevelure tirée en arrière,  un peu rebelle. 

Au dehors défile le paysage d'un ciel chargé de nuages qui éclaire la campagne, verte de trop d'eau reçue. 

L'enfant glisse depuis son siège pour gagner le confort de son indolence. Rien ne peut le distraire de l'écran de son téléphone où ses yeux sont rivés, paupières baissées dont je n'ai pas seulement croisé les pupilles. 
Enfin son regard a croisé le mien, posant sa tête sur l'appui de son bras et de son coude. Ses yeux sont bruns, et comme il n'est pas de convenance que je soutienne mon regard ni lui le sien, il a détourné les yeux, créant une pose dont je me maudis de ne pouvoir la photographier. Je sais que ce garçon de quatorze ans saura séduire et arracher le cœur d'autres garçons : il m'a déjà ravi le mien.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis très sensible à votre belle écriture sensible, Céléos.
On y ressent toute la magie et la poésie de la simple rencontre entre deux êtres (notre bien le plus précieux)
Marie

Celeos a dit…

Merci Marie.

joseph a dit…

Qu'en termes galants ces choses là sont dites: que de pudeur aussi loin de l'appétit vorace que dicterait parfois la passion né d'un regard envouteur!

Celeos a dit…

Je garde mon appétit vorace pour des garçons d'un autre âge...

Anonyme a dit…

Celeos, vous m'avez rassuré avec ce dernier commentaire. Le texte du billet, l'age du sujet, cette image d'un garçon prépubère m'avaient inquiétée sur vos mœurs.

Tête brûlée

Celeos a dit…

Je dois dire, Tête brûlée, que j'ai hésité à publier ce petit texte tant notre société est redevenue pudibonde, suspicieuse. J'ai craint également un moment d'évoquer la fascination d'Aschenbach dans La mort à Venise. Non, ce n'était qu'un moment d'émotion devant une sorte d'homonculus d'un instant, témoignant du passage à la masculinité devant laquelle je ne pouvais résister indifférent. L'histoire du désir se situe, bien évidemment dans un autre registre.

Anonyme a dit…

Il ne s'agit pas nécessairement de pudibonderie, il me semble, l’actualité ne cesse d'en témoigner.
N'ayant pas lu tous vos écrits, je préférais connaître que vous vous référiez à Thomas Mann plutôt qu'à André Gide, et je vous remercie de votre réponse.

Tête brûlée

Pippo a dit…

Très joli texte, effectivement. Merci Céléos.
Moi aussi, je suis sensible au charme des ados, et l'âge de la puberté s'abaissant, certains à partir de treize ans sont craquants. Ce qui ne fait pas de moi un pédophile. De même, je puis trouver jolies certaines femmes, ce qui ne fait pas de moi un hétéro.
Dans quel train avez-vous rencontré cette merveille?
Votre récit me fait penser à celui <qui clôt le beau blog de Romain Gibert alias Kynseker:
https://ahoj-praha.blogspot.com/2013/01/les-garcons-du-train.html
Le temps passe plus vite quand on peut contempler un beau paysage.

Celeos a dit…

Merci Pippo.
C'était me semble-t-il sur la même ligne de l'ancien PLM que Kynseker, dans un temps où cette ligne m'était très régulière. Il y a longtemps que je n'ai plus croisé de ces jeunes gens. En existe-t-il encore ?